FLORENCE JOU

FLORENCE JOU

Patrick Pleutin

« Les étudiants et étudiantes de création numérique n’ont pas cherché
à simplement illustrer mes extraits choisis de Payvagues,
un voyage en quatre récits avec pour guides des voix de femmes
aux pouvoirs cosmo-telluriques,dans des zones au climat bouleversé,
entre désolation et merveilleux. Iels ont exploré des relations nouvelles
avec la faune et la flore, de nouveaux états organiques et symbiotiques
pour une performance scénique intermédiaire.»


Florence Jou & Valérie Vivancos – Payvagues
Résidence à l’Espace culture Saint-Gobain de Thourotte
2024
PP : Comment as-tu introduit le workshop ? 

FJ : Tout d’abord, j’ai lu des extraits de Payvaguesqui a paru aux éditions de l’Attente. J’ai contextualisé les thèmes principaux. Le rapport aux femmes, ces sorcières ou chamanes, qui traversent le paysage, le dérèglement climatique, la dystopie… Nous avons ensuite parlé de la relation entre textes et images et de mon désir que les images ne soient pas illustratives du texte. J’ai sélectionné des extraits textuels précis que j’ai proposés à tes étudiants et des groupes se sont constitués à partir de ces extraits. Iels s’en sont emparés et après on discutait, c’était une sorte de laboratoire, et au fur et à mesure des propositions, semaine après semaine, nous avons fait évoluer les idées. Tes étudiants et étudiantes de création numérique ont créé des formes singulières, souvent en 3D, leurs paysages et leurs visions apocalyptiques (par exemple, un travelling sur des strates entrecoupées d’images moléculaires, bactériennes et organiques, des fossiles inventés qui auraient pu servir d’outils de résistance aux femmes du Payvagues). 

PP :  Quand tu les as rencontrés, tu as aussi donné des exemples de scénographies expérimentales, parce qu’il y avait aussi cette idée de faire une sorte de spectacle total où tu allais mêler la musique, tes textes et les images ? 

FJ : J’ai montré des performances multimédias,
j’ai parlé à tes étudiant. e. s du processus que je menais avec Valérie Vivancos (compositrice et musicienne) en vue de la création scénique de Payvagues. Il fallait que les images produites lors de ce workshop viennent créer une sorte d’archipel scénique avec la voix et la musique. Que les médiums tissent un archipel avec des foyers d’adresses différents, pour que se joue une circulation entre les éléments. On est toujours restés dans un processus de recherche. Et je n’ai retenu que trois propositions pour le set final qui fonctionnaient tels des points d’intensité avec la musique, la voix, la lumière et les corps. Avec tes étudiant. e. s, nous avons beaucoup parlé de textures. Il s’agissait aussi de questionner la texture numérique, avec les différentes textures de mon texte (listes de mots choisis, couches géologiques, strates de la terre et du vivant). Nous avons aussi questionné des motifs du paysage, étudié le métabolisme du Payvagues et les processus de contamination et de décontamination de la terre. Et iels ont produit des images poétiques, post-écologiques.

PP : As-tu travaillé sur le rythme ? 

FJ : C’est toi qui les as conduit. e. s sur ce versant. Questionner le séquençage, le rythme et le mouvement de l’ensemble pour créer une partition dynamique. Comme un découpage depuis la dynamique du creux d’une vague, et de morceaux ou de mouvement par rapport au texte. Iels ont ajouté des courbes enregistrées par des capteurs pour renforcer le dérèglement climatique qui serait vu par des machines. Des machines qui continuent à surveiller ce dérèglement automatiquement sans les humains. Des satellites qui sont restés actifs et continuent à mesurer la pollution sur terre. Iels ont inventé des avancées en travelling de ces robots, de ces drones qui surveillent la progression de la marche des femmes dans des zones de gaz toxiques, dans des poches volcaniques. Une matière au rythme hybride, des images organiques. 

Un entretien de Florence Jou
avec Patrick Pleutin