Andréa Terroso
Comment les discours entrepreneuriaux se sont-ils construits
au cours du XXe siècle à travers des figures comme Carnegie, et comment cette tendance s’est-elle poursuivie au XXIe siècle avec des icônes comme Steve Jobs ou Elon Musk ?

AT : Peux-tu te présenter en quelques mots ?
FM : Je m’appelle Florian Montus. Je fais principalement du design, de l’édition, de la 3D et du motion design.
AT : De quelle année es-tu diplômé du DCN ? Quel était ton sujet de mémoire ? Et peux-tu nous présenter rapidement ton parcours depuis que tu as quitté Estienne ?
FM : J’ai été diplômé en 2024, et mon mémoire s’intitulait « Dans l’arène du marché : L’entrepreneur surhumain comme modèle de société ». J’y analysais comment les discours entrepreneuriaux se sont construits au cours du XXe siècle à travers des figures comme Carnegie, et comment cette tendance s’est poursuivie au XXIe siècle avec des icônes comme Steve Jobs ou Elon Musk. J’évoquais également des personnalités contemporaines telles qu’Oussama Amar ou Yomi Denzel, en étudiant comment ces discours façonnent une vision spécifique de la société et créent un narratif influent. Après mon DSAA Design et Création Numérique, j’ai intégré un stage en direction artistique et motion design, en agence de publicité, grâce à la FCND.
AT : Peux-tu nous parler de ton travail ? Est-ce que cela te plaît ?
FM : Oui, carrément ! Ce que j’apprécie, c’est la diversité des projets. Être une « petite main » plutôt qu’un directeur artistique général me permet de toucher à beaucoup de choses. Par exemple, je réalise des petites tâches pour de grandes marques et je travaille aussi sur des appels d’offres. C’est hyper enrichissant, car on voit comment tout fonctionne.
Je collabore avec différents profils comme des directeurs marketing ou des planners stratégiques, des métiers qu’on n’aborde pas forcément à Estienne, donc c’est super intéressant.
AT : Est-ce que tu pourrais décrire ce que la formation DCN t’a apporté ? Qu’as-tu pu y découvrir ?
FM : La formation était vraiment enrichissante, notamment en termes de diversité technique. Là où je travaille, je suis l’un des rares à maîtriser la 3D, donc dès qu’un projet nécessite un peu de 3D, c’est vers moi qu’on se tourne. Je fais aussi des dépannages pour des studios extérieurs, ce qui élargit encore mon panel de compétences.
AT : Recommandes-tu un sujet ou une technologie à explorer dans le futur ?
FM : Pour mon projet de diplôme réalisé avec Glenn Andro et Kim Coudeville, nous avons travaillé sur l’interaction entre le visage et des expériences visuelles : un sourire contrôlait une vidéo. C’est un domaine très intéressant, car utiliser le visage dans les interactions crée une intrusion. On est observé par ce que l’on contrôle le moins, ce qui soulève beaucoup de questions.
Je pense que les interactions entre le corps et les images, comme l’utilisation du corps pour interagir avec un jeu ou une installation, sont des pistes très prometteuses, notamment pour des expositions ou des musées.
AT : Quelle est ta vision de la création numérique ? Que souhaites-tu développer à l’avenir ?
FM : En ce moment, il y a des avancées énormes dans l’IA vidéo, mais ce n’est pas forcément ce qui m’attire le plus. Dans mon cas, la 3D reste ce qui me passionne le plus. J’ai aussi envie de me plonger dans des outils comme Unreal Engine, et pourquoi pas explorer un peu le développement de jeux vidéo.
AT : Peux-tu nous parler du projet que tu voulais présenter ? Quel domaine aborde-t-il ?
FM : J’aimerais parler de notre projet de diplôme, basé sur nos trois mémoires. De façon assez brève, mon mémoire portait sur l’entrepreneuriat, celui de Kim Coudeville sur la notion de travail et son lien avec la passion et l’argent, et celui de Glenn Andro sur l’absurde et l’étrange dans l’art numérique. Dans cette optique, nous avons travaillé sur les dissonances cognitives, cet état de malaise ressenti lorsqu’il y a une contradiction entre nos idées et nos actions. Nous nous sommes mis dans la peau d’une fausse agence dont le but était d’effacer ces dissonances chez les entrepreneurs pour les rendre ultra-productifs, sans remords. Nous avons créé trois « dissographes », des boîtes surélevées avec un écran à l’intérieur. Les participants devaient y insérer leur tête et visionner un court métrage au ralenti, basé sur nos dissonances cognitives personnelles. Ces vidéos abordaient des sujets absurdes, parfois durs à regarder. La seule manière de lire la vidéo à vitesse normale était de sourire, ce qui obligeait les participants à afficher une réaction physique contradictoire à leurs émotions. Pour ajouter une dimension intrusive, leurs visages étaient filmés en temps réel via infrarouge et projetés devant eux sur des calques. Cela renforçait leur conscience d’être observés, les forçant à contrôler leurs émotions et leurs réactions physiques. Côté technique, nous avons utilisé un dispositif basé sur une technologie de reconnaissance de sourire développée par une agence suédoise, dont le code source a été adapté sur Touchdesigner par nos soins. Cela nous a permis de moduler la vidéo en fonction des expressions des participants. C’était ambitieux, mais ça valait le coup !

AT : Qu’est-ce que tu retiens de ton passage à Estienne ? L’esprit DCN te porte-t-il encore aujourd’hui ?
FM : Ce que j’ai adoré, c’est que je viens d’une formation purement éditoriale et qu’Estienne m’a ouvert au numérique au sens large. Aujourd’hui, je peux combiner le print, l’illustration et le numérique dans ma pratique. L’esprit DCN est encore très présent dans mon travail. Face à une nouvelle technique, je me sens confiant et débrouillard, ce qui est précieux dans ce domaine.

AT : Des recommandations (artistes, œuvres…) ?
FM : Théo Rocquancourt, qui travaille sur l’IA de manière très intéressante. Il a récemment réalisé un clip pour Luther en utilisant l’IA, MidJourney, l’humain et la 3D. Son travail est hallucinant.
AT : Qu’évoque le terme « Digital » pour toi ?
FM : Pour moi, « digital » est un anglicisme souvent flou. Je préfère le terme « numérique ». C’est une démarche permettant de découvrir de nouvelles techniques, de nouveaux logiciels et de s’adapter aux innovations, même celles auxquelles on ne s’attend pas. En somme, une ouverture.
Un entretien avec Florian Montus
par Andréa Terroso
07/01/25
